Irrigation agricole : le surdimensionnement des volumes « historiques » à nouveau mis en cause

Ce vendredi 29 mars, la presse s’est fait l’écho d’une audience du tribunal administratif de Poitiers à propos d’un recours contre l’arrêté signé en 2016 par les préfets des départements du bassin versant du Marais poitevin, transmettant à l’Établissement public du Marais poitevin (EPMP), au titre de sa fonction d’organisme unique de gestion, les volumes d’eau destinés à l’irrigation agricole.

Au cœur de la discussion juridique, sont à nouveau posées les questions liées au dimensionnement des volumes autorisés à l’irrigation, et donc de l’adéquation de ce dimensionnement avec le respect du bon fonctionnement des milieux aquatiques et humides. La Coordination pour la défense du Marais poitevin s’en réjouit, ayant constamment bataillé sur ces sujets depuis des années et produit de nombreuses contributions démontrant la nécessité de revoir en profondeur la manière de les aborder. Cela avait été encore le cas il y a trois ans, à l’occasion de l’enquête publique préalable à l’arrêté incriminé. L’analyse du rapporteur public devant le tribunal administratif va aujourd’hui dans le même sens, confirmant également les critiques émises sur le dossier par l’Autorité environnementale nationale.

Préfets, commissions locales de l’eau, EPMP… qui est responsable de quoi ?

Le préalable consiste en la définition des volumes destinés à l’irrigation agricole ; il relève de l’autorité préfectorale, après avis de la commission locale de l’eau statuant dans le cadre du SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux). À ce jour, le processus n’est toujours pas abouti. S’agissant ensuite de la gestion de ces volumes, deux éléments clés sont à retenir :

  • Le premier de ces éléments porte sur la particularité unique du bassin versant du Marais poitevin, où cette gestion est confiée à un établissement public de l’État. Celui-ci, l’EPMP, élabore un plan annuel de répartition entre les irrigants, validé par son conseil d’administration associant l’ensemble des parties prenantes, puis arrêté par les préfets. Un règlement intérieur encadre les choix à opérer dans l’évolution de cette répartition année après année.
  • Le second élément découle de ce que ces volumes ne sont pas exactement fixés à ce jour ; ceux confiés à l’EPMP, qualifiés de « volumes cibles », ne sont en réalité que provisoires. Indépendamment même de la décision à venir du tribunal, leur révision est à l’ordre du jour de la révision en cours des SAGE. Elle devra bien sûr prendre en compte les analyses aboutissant aux constats de surdimensionnement des volumes « historiques », dénoncés de longue date par la Coordination au fil de ses argumentaires et interventions.

Quel lien avec le protocole du bassin Sèvre niortaise et Mignon ?

Les discussions ayant abouti à l’élaboration du protocole révisant le projet de réserves de substitution du bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon ont porté sur deux aspects essentiels : la reconnaissance du surdimensionnement du projet initial, avec l’abandon de la référence aux volumes historiques, et, une fois les volumes revus à la baisse, le conditionnement de leur accès à des évolutions de pratiques en faveur de l’agro-écologie, de la biodiversité et de la qualité de l’eau, le tout dans le cadre d’une gouvernance élargie.

Cela a conduit à faire évoluer le règlement intérieur de l’EPMP en introduisant de nouvelles clés de répartition des volumes autorisés aux irrigants ainsi qu’un système de sanctions dans les cas où les usagers ne respecteraient leurs engagements. La Coordination a fortement pesé en ce sens, y compris au sein du conseil d’administration de l’EPMP, conjointement avec les représentants des fédérations régionales FNE des Pays de la Loire et de Poitou-Charentes, la LPO et la Fédération de Pêche des Deux-Sèvres.

Le protocole du bassin de la Sèvre et du Mignon a donc déjà fait bouger les lignes dans le sens attendu. La Coordination salue cette évolution, en faveur de laquelle elle œuvre de longue date. Il faut désormais s’engager plus largement dans cette voie.

Un processus à renforcer

Si la décision de justice à venir pouvait accélérer le processus et convaincre les décideurs les plus hésitants, nous ne pourrions que nous en féliciter.

De plus, la jurisprudence ainsi acquise devrait bousculer les projets voisins, inacceptables tant qu’ils n’auront pas procédé à une mise à jour, celle-ci devant commencer par l’abandon d’une gouvernance repliée sur les seules organisations agricoles.

Les embûches ne manqueront pas et la Coordination veillera à ce que les premiers acquis ne soient pas mis en cause. Dans l’immédiat, l’EPMP, par le type de gouvernance qui fait son originalité, mérite d’être renforcé et doté des moyens que nécessitent ses missions.

Contact : FM.Pellerin : 06 73 70 62 62

+ d’infos :
Qu’est-ce qu’un SAGE ?
Les SAGE du bassin Loire-Bretagne
Les SAGE en Poitou-Charentes

Voir aussi : L’irrigation de quatre départements menacée par la sauvegarde du Marais poitevin (lanouvelle republique.fr)

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