Le devenir du Marais poitevin serait-il une simple affaire de labels ?

La Commission supérieure des sites, perspectives et paysages a donné un avis favorable à l’octroi du label « Grand site de France » au Parc interrégional du Marais Poitevin, maître d’œuvre de l’ « Opération Grand Site » (OGS) lancée en 2004 dans le site classé dit du « marais mouillé poitevin ».

Une bonne nouvelle ? Sans nul doute si l’on veut y voir la capacité de l’État et des collectivités locales à collaborer au mieux et dans la durée pour prendre en compte des enjeux patrimoniaux sur lesquels chacun aujourd’hui semble s’entendre. Dans ce cadre, il convient de rappeler que les actions menées par les équipes techniques du Parc interrégional dans le cadre de l’OGS prolongent celles initiées depuis 1990 dans le marais mouillé des Deux-Sèvres dans le cadre du programme des « Grands Travaux » du président Mitterrand, ainsi que le programme de restauration des ports conduit par le Conseil général de la Vendée depuis 2001.

Un gage d’avenir pour le Marais Poitevin ? C’est moins sûr, et ce pour plusieurs raisons…

• La plus évidente tient à ce que le territoire concerné est celui couvert depuis 2003 par le site classé des marais mouillés de la partie orientale du « grand » Marais Poitevin ; tout le reste n’est pas concerné, pas même les autres marais mouillés, et c’est là une forme d’atteinte à la nécessaire prise en compte de la zone humide dans sa globalité.

• D’autre part, ce label, qui fait l’objet d’un simple « règlement d’usage » interne, est censé venir récompenser la bonne gestion d’un site jugé « en bon état, réhabilité dans le respect de l’esprit des lieux, géré suivant les principes du développement durable. » Le flou des termes est frappant ; il se conjugue avec le fait que ce label « Grand site de France » n’emporte aucune incidence réglementaire nouvelle. Et l’on peut s’interroger sur le « bon état » du site, quand ce « bon état » est bien loin d’être acquis en termes de gestion de l’eau, et qu’il reste au contraire un objectif à atteindre pour se conformer aux exigences de la directive-cadre européenne sur l’eau.

• Enfin, le classement de site, l’Opération grand site et le label ciblent explicitement les enjeux touristiques, en se basant sur une approche avant tout paysagère. La conservation d’un paysage emblématique est certes un objectif à soutenir ; il n’en est pas moins délicat à articuler avec le dynamisme propre aux milieux naturels intégrés au réseau écologique Natura 2000. Il faudra donc veiller à ce que la « conservation » ne consiste pas à figer trop artificiellement un paysage historiquement daté, qui doit pouvoir continuer d’évoluer notamment au regard de l’approche renouvelée des problématiques des zones humides et de la diversité biologique.

En conclusion, il est sans doute utile de rappeler aujourd’hui ce qu’écrivait en 1998 l’inspecteur général Gilbert Simon dans son rapport Pour sauver le Marais Poitevin :

« Sauver le marais, tout le monde est d’accord, mais cela peut se comprendre de deux manières. « Le scénario le plus probable est celui de la poursuite de la tendance actuelle : très sommairement, maintien des réseaux hydrographiques principaux et du chevelu navigable de la « Venise verte », restitution de suffisamment d’eau en été pour garantir l’aspect « marais mouillé » de ce « cœur du marais », (…) traitement paysager des points forts (touristiques) […]. « Ce scénario aboutit au sauvetage d’un décor (surtout la Venise verte), il ne permet pas la conservation d’un véritable écosystème de zone humide.

[…]

« L’autre scénario, plus volontariste, a pour objectif de sauver dès maintenant ce qui subsiste de l’écosystème, et d’économiser à terme les frais d’une « refabrication de la nature » .

http://www.grandsitedefrance.com (rubrique Questions fréquentes).

http://marais-poitevin.org/html/RAPPORTS.htm

Ce contenu a été publié dans 2009, Communiqués de presse, PNR. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.