Quels progrès quant à la gestion de l’eau estivale autour du Marais poitevin ?

Quels progrès quant à la gestion de l’eau estivale
autour du Marais poitevin ?

La météorologie pluvieuse de cette fin de printemps explique sans doute que l’on ait peu fait attention à la publication des arrêtés-cadre qui fixent les règles de la gestion de la ressource en eau estivale.

Confrontés à un état des lieux catastrophique de surexploitation estivale que plus personne d’honnête ne nie, et contraints par un échéancier de plus en plus pressant : 2009 (objectif de la plate-forme régionale sur l’eau de Poitou-Charentes élargie au Sud-Vendée), 2012 (gestion volumétrique unique et cohérente par sous-bassin versant), 2015 (Directive Cadre sur l’Eau), etc., les services des administrations départementales tentent pourtant de montrer leur volonté de progresser vers un bon état des eaux.

Leurs décisions déclenchent, à grand renfort d’arguments charitables (il faut nourrir le monde), la colère des associations d’irrigants, relayée et amplifiée par le syndicat agricole majoritaire, qui lui-même dicte leur point de vue aux chambres d’agriculture ; alors que les associations de protection de l’environnement, de concert avec la plupart des fédération de pêcheurs, restent insatisfaites voire critiques.

Sommes-nous tous des « jusqu’au-boutistes » ?

Un progrès certain…

• Le périmètre de quelques unités de gestion (zones dans lesquelles s’appliquent les restrictions volumétriques lorsque la gestion de crise est déclenchée) est actualisé ; notamment à l’est du bassin versant de la Sèvre niortaise, en intégrant l’amont de la Dive du Sud à l’ouest de Rom.

Ceci marque la reconnaissance attendue d’un état de fait connu depuis fort longtemps et lié à la circulation des eaux souterraines dans ce secteur.

… pour beaucoup d’affichage sans concrétisation réelle !

• Les arrêtés, et leurs annexes, des trois départements du bassin versant affichent effectivement des réductions des volumes attribués (les ‘quotas’ du langage courant).

En réalité, qu’en est-il ?

Deux exemples :

• L’arrêté des Deux-Sèvres prévoit une réduction sur les bassins de la Sèvre (5%), du Lambon (5%) et de Mignon-Courance (16%). A la lecture, cette réduction s’applique au volume annuel attribué.

Dans l’application de détail, ce volume annuel est scindé en fractions hebdomadaires, ce qui était déjà pratiqué. Or, ces volumes là ne sont pas réduits.

L’administration parie sur le fait que, sur une saison estivale, l’irrigant ne consomme jamais la somme de ses quotas hebdomadaires. En pratique, la restriction globale affichée s’avère indolore pour l’irrigant intensif.

• De l’autre coté du Marais, en Vendée, il est affiché une réduction de 30 % ! En fait, il ne s’agit que du volume dit d’été. Si on considère le taux de réduction sur les volumes attribués ‘printemps plus été’, on aboutit à un ordre de grandeur équivalent (10%) à celui des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime.

Regardons de plus près : la réduction des volumes consiste à ramener le niveau des volumes attribués vers celui des volumes réellement consommés ces dernières années. Il ne s’agit donc que d’une régularisation.

Les réductions de volumes présentées par ces arrêtés sont réelles sur le papier. Mais en pratique, leurs modalités d’application visent à gagner encore du temps. Au final l’effort à fournir à l’échéance n’en sera que plus grand. A moins que, comme à l’accoutumée, l’objectif soit de tout faire pour arracher le moment venu des dérogations aux objectifs fixés.

Une gestion de crise… qui n’évite pas sa répétition !

Celle-ci est anticipée grâce à un système de seuils successifs : d’alerte, de restrictions partielles puis d’arrêt total des prélèvements.

Confirmant l’observation de tout un chacun, les techniciens des associations de protection de la nature et de l’environnement, et ceux des Fédérations de pêche ont fait la preuve depuis longtemps que les niveaux de ces seuils sont actuellement impuissants à protéger les milieux aquatiques et à garantir le bon fonctionnement des rivières et des zones humides.

La ré-évaluation de ces seuils, consignée dans un cahier de proposition commun aux associations de protection de la nature et de l’environnement, aux pêcheurs sur la région Poitou-Charentes, et généralisée à la Vendée, est le critère majeur et impératif de la protection des milieux .

Or, focalisée par l’objectif de réduction des volumes attribués, l’administration a délaissé cette voie. Sauf dans des proportions infinitésimales sur le secteur Mignon-Courance : on peut mentionner par exemple le relèvement de 30 cm d’un seuil concernant la nappe phréatique du secteur du Bourdet (79), alors que le relèvement nécessaire est de 3.00 m !

Dans le Sud-Vendée (secteurs Lay et Vendée) où aucun seuil de crise n’a été modifié alors que leur relèvement devrait être de même ordre (environ 2.50 m) que dans le Sud du Marais, le seuil qui correspondait l’an passé à une première restriction ne correspond plus cette année qu’à une simple « information » sans restriction . Dans le secteur des Autises, dont la gestion échappe dorénavant à l’administration, le seuil de crise reste inchangé (+1.70 m) alors que l’Etat s’était engagé à le relever à +2.50 m en 2009.

Ainsi, sur l’ensemble des critères les plus fondamentaux quant à la gestion estivale et à l’anticipation des situations de crise, les arrêtés des trois départements présentent des « progrès » négligeables ; quand ils ne sont pas nettement en régression comme dans le Sud-Vendée.

Une gouvernance déséquilibrée

Cette année, les arrêtés-cadre sont parus simultanément en Deux-Sèvres et Charente-Maritime (comme dans toute la région Poitou-Charentes), et suffisamment tôt, à la fin du mois de mars, pour que les intéressés puissent s’organiser. C’est un élément positif.

En Vendée, il a fallu attendre la fin du mois de mai. C’est bien tardif, mais néanmoins un progrès… puisqu’en 2007 il n’y avait pas eu d’arrêté-cadre du tout !

Mais le Sud-Vendée présente une spécificité substantielle qui explique pour partie ce retard. La gestion des eaux souterraines fait l’objet d’un protocole particulier annexé à l’arrêté. Ce protocole est négocié et co-signé par l’administration, la profession agricole et … le Conseil général de la Vendée. Cette particularité vendéenne, dont l’histoire remonte au début des années 1990, fait que le protocole de gestion des nappes du Sud-Vendée, qui définit les seuils dont il est question plus haut, est depuis cette époque l’objet d’une négociation à trois, donnant la part belle à l’agriculture. Tant pis si la loi a depuis inscrit l’eau comme « patrimoine commun de la nation » !

La tenue d’un ‘Comité de Suivi’, où les résultats de la négociation étaient présentés aux représentants des autres intérêts, tendait à donner une couleur plus démocratique à l’opération. C’était encore trop ! En réponse à une revendication des représentants des irrigants vendéens qui réclamaient un « comité de suivi entre signataires du protocole hors du comité de vigilance des usages de l’eau » ( La Vendée Agricole du 18 avril), l’administration, tout en maintenant le Comité de Suivi traditionnel et simple lieu d’information annuelle, a institutionnalisé cette année un comité technique opérationnel réduit à ces trois signataires. Saturés par l’empilement de comités consultatifs divers et redondants, les représentants des usages de l’eau autres qu’agricoles, et de la protection des milieux aquatiques sont en réalité exclus non seulement des négociations initiales, mais désormais aussi des instances réellement décisionnelles.

En avalisant ce système, l’administration vendéenne, officialise le retour de la co-gestion de l’eau par la profession agricole irrigante. C’est un pas en arrière majeur . En outre, elle se met en situation de ne pas pouvoir être l’arbitre impartial apte à décider de l’intérêt commun, dans une instance où les différents usages autre que l’irrigation, notamment la protection des milieux mais aussi les autres usages économiques (mytiliculture, élevage, batellerie, pêche de loisir, …) ne seront pas, ou mal, représentés et défendus.

En conclusion :

• Les échéances se rapprochent inexorablement. Si on souhaite éviter, encore une fois, une politique de dérogations, il est grand temps d’organiser des étapes significatives de progression annuelle, tant dans la gestion structurelle de la ressource en eau (les volumes attribués aux prélèvements économiques) que dans l’anticipation de la gestion de crise (le niveau des seuils d’alerte).

• Nous sommes encore loin d’une politique homogène de la gestion de l’eau sur le bassin versant du Marais poitevin. Elle ne sera garantie que par des SAGE cohérents sur ce bassin. S’il est hors de question d’attribuer des bons ou des mauvais points à tel ou tel département, il est urgent de se débarrasser dans chacun d’eux d’habitudes acquises par des pratiques qui devraient être révolues. Au contraire, il s’agit de saisir et de développer les éléments de progrès que chacun de ces trois départements a pu mettre en œuvre.

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