Un avenir pour le Marais poitevin ?

Depuis le début des années 1970, le Marais poitevin a connu un recul permanent de la prairie naturelle humide, accompagné de modifications profondes du réseau hydrographique et du régime des eaux, ce dernier facteur atteignant également l’ensemble du bassin versant.

Cette évolution s’explique principalement par les choix effectués dans le cadre de la Politique Agricole Commune, choix concrétisés par la mise en place de financements indiscutablement plus favorables aux grandes cultures et aux systèmes intensifs qu’au maintien d’une activité d’élevage sur prairies naturelles.

Sur le plan de l’économie régionale, cette politique n’a pas produit les effets positifs attendus ou présentés comme justificatifs de ses orientations : on peut ainsi noter que le recul de la prairie s’est accompagné, à un rythme comparable, d’un recul tout aussi important du nombre des exploitations et des actifs agricoles…

Dans la même période, du fait notamment des actions associatives, la notoriété du Marais poitevin s’est fortement accrue à la fois sur le plan de sa valeur patrimoniale (comme zone humide de toute première importance sur le plan international), et comme un cas d’école révélant de manière particulièrement flagrante les contradictions entre les discours tenus sur la protection de l’environnement et la concrétisation de politiques d’aménagement essentiellement destructrices.

Depuis 1995, l’État s’est engagé dans un « Plan d’action pour les zones humides », avec l’objectif d’assurer la cohérence des politiques publiques les concernant, et d’engager la reconquête des zones les plus importantes. Les Marais de l’Ouest et le Marais poitevin font partie des 8 secteurs tests retenus pour la mise en œuvre de ce plan (contrats pluri-annuels de gestion, renforcement du dispositif de protection…). Pourtant, l’on constate la poursuite de la dégradation, des labours, des drainages…

Ces résolutions se heurtent en effet au contexte nettement défavorable d’une politique agricole qui applique aveuglément sur tous les territoires les mêmes instruments. En ne concédant ça et là que quelques mesures agro-environnementales d’accompagnement, mesures facultatives qui ne peuvent agir qu’à la marge, cette politique s’interdit les moyens propres à renverser l’évolution qui conduit directement à la disparition pure et simple du marais.

De simples bonnes intentions ou une réelle volonté d’agir ?

La traduction concrète des bonnes intentions du Plan d’action pour les zones humides passe nécessairement par la mise en œuvre de mesures diverses et complémentaires, combinant des incitations économiques suffisantes et durables, et des mesures réglementaires de protection.

Envisager l’avenir du Marais poitevin, c’est

Se fixer un objectif prioritaire de préservation et de restauration, et redonner à la population la fierté d’habiter et de vivre dans un pays original, riche d’histoire et de potentialités, dans le respect de ses caractéristiques essentielles. L’ensemble Marais poitevin – baie de l’Aiguillon mérite un véritable label qui le qualifie comme zone humide d’importance internationale, et qui soit aussi un engagement fort de protection et de réhabilitation pris devant la communauté internationale, en référence à la Convention de Ramsar.
Se donner tous les moyens de protéger les éléments du patrimoine maraîchin qui subsistent. La totalité des prairies naturelles existantes doit bénéficier de protections fortes : notification en ZPS complétée, sous la responsabilité des services de l’État, par des mesures réglementaires du type « arrêté de biotope » interdisant la mise en culture.
Cesser sans ambiguïté de soutenir toutes les pratiques agricoles inadaptées. Il est particulièrement urgent d’économiser les ressources en eau, à l’échelle du grand bassin versant, et en restreignant l’irrigation par une réglementation adaptée (diminution des surfaces irriguées ; prise en compte de l’indicateur d’affaiblissement de la ressource que représentent les assecs et le tarissement des résurgences dans le marais ; encadrement de la durée de la saison d’irrigation).
Soutenir au contraire en priorité les pratiques agricoles compatibles avec la préservation de l’environnement et du patrimoine maraîchin. Rééquilibrage des aides aux productions agricoles, sous conditionnalité environnementale, pour favoriser l’élevage extensif dans le marais et les cultures économes en eau dans le bassin versant ; soutien technique et valorisation des produits.
En finir sans ambiguïté avec les projets d’aménagement antinomiques avec la préservation du patrimoine naturel et culturel du marais. La multiplication des projets d’infrastructures routières et autoroutières est incompatible avec la préservation du patrimoine maraîchin. L’ensemble de ces projets doit donc être réexaminé dans un véritable souci d’éviter les impacts non compensables
  • En une génération, certains modes de production agricole ont produit, aux dépens du Marais poitevin, des désordres environnementaux considérables qui hypothèquent l’avenir.
  • Une opération forte de restauration et de reconquête doit aujourd’hui s’engager, pilotée par l’État.
  • Les centaines de millions de francs qui chaque année bénéficient aux activités destructrices de l’environnement maraîchin peuvent et doivent être utilisés différemment, au profit d’une dynamique nouvelle alliant aménagement du territoire, production de qualité, protection de l’environnement et des ressources naturelles et présentation d’un tissu rural vivant.

« L’importance écologique, économique, sociale et culturelle des zones humides, pour nous mais surtout pour les générations futures, justifierait de faire du sérieux de la mise en œuvre de cette politique, un critère d’évaluation de tout gouvernement présent ou à venir. »
Cl. Stuffmann, ancien chef de la division « Protection de la nature et conservation du sol », DG XI – Commission Européenne ; dans Zones Humides Infos, n° 7, 1995.

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