Hommage à Kristian Errath

Le Mazeau, crue janvier, 1995, © Kristian Errath, reproduction interdite.

Kristian Errath nous a quittés le vendredi 3 juin 2022, à l’âge de 84 ans.

Sa disparition affecte profondément celles et ceux qui ont participé dès l’origine à l’aventure de la Coordination pour la défense du Marais Poitevin, comme elle affecte celles et ceux qui l’ont rejointe au fil des ans. Il en fut l’un des fondateurs, avec Babeth. Tous deux en ont été l’âme pendant de longues années, durant lesquelles leur maison du Mazeau fut bien plus qu’un simple siège social ; car c’est chez eux que tout s’est construit et mis en place. L’ardeur et l’audace donnaient corps aux convictions, la disponibilité était de tous les instants, tout comme la générosité et le sens de l’accueil.

Militant dans l’âme, Kristian avait quelque chose en plus que nous tous : son œil de photographe talentueux, qui lui a permis de constituer au fil des ans une photothèque maraîchine d’une très grande richesse. Cultivant la photo-témoignage, il a su donner sens à des paysages trop souvent objets de clichés superficiels, et documenter les transformations tragiques subies par le marais.

Avec ce marais auquel il s’était tant attaché, après avoir visité tant de régions et de pays, Kristian avait noué une relation personnelle. Il y avait tissé un réseau de fidélités multiples, qui se rejoignent pour lui rendre hommage.

Et fidélité, d’abord, à la Coordination dont Kristian est resté jusqu’au bout un administrateur à la présence toujours amicale et chaleureuse.

Pour finir, partageons ce texte de Cornélius Castoriadis, philosophe, économiste et psychanalyste français, que Kristian appréciait tant et qui nourrissait ses réflexions sur la marche du monde :

« Que faire maintenant ?
Le monde avec ce qu’il comporte de chaotique et d’à jamais immaîtrisable, ne sera jamais séparable de l’anthroposphère, et l’homme ne le maîtrisera jamais. Comment le pourrait-il, alors qu’il sera à jamais incapable de maîtriser la trame des actes dont la succession compose sa propre vie ? Ce phantasme grandiose et vide de la maîtrise sert de contrepartie à la grotesque accumulation de gadgets dérisoires, les deux ensemble fonctionnant comme distraction et divertissement pour occulter notre mortalité essentielle, pervertir notre inhérence au cosmos, oublier que nous sommes les improbables bénéficiaires d’une improbable et très étroite bande de conditions physiques rendant la vie possible sur une planète exceptionnelle que nous sommes en train de détruire. »

— Extrait de « Figures du Pensable », éd. du Seuil, collection « Les Carrefours du Labyrinthe », VI, pages 179 et 180.

Merci infiniment, cher Kristian, pour toutes ces années et pour tout ce que tu nous laisses en commun.

Ce contenu a été publié dans Actualité. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.