Le contentieux européen du Marais poitevin : de la sanction au classement
Condamnée en 1999 par la Cour de Justice du Luxembourg en raison d’une gestion du Marais poitevin non conforme aux directives européennes d’environnement, la France vient d’échapper aux sanctions financières qui la menaçaient : la Commission Européenne estime désormais que les autorités françaises ont remédié aux manquements reconnus par la Cour de Justice.
Parmi les avancées notables que ce contentieux a permis d’obtenir, on notera surtout l’extension donnée à la zone de protection spéciale et l’inscription comme site d’intérêt communautaire « Natura 2000 ».
La Commission Européenne a manifestement voulu acter ce progrès, sa priorité portant sur la constitution du réseau de sites Natura 2000, une opération qui a pris énormément de retard, spécialement en France.
S’agissant des autres points en discussion, la Commission a choisi de ne pas maintenir la pression plus avant, affectant de faire confiance sur le fait que les engagements pris seront tenus.
Pour l’État comme pour les collectivités territoriales et leurs élus, l’enjeu majeur réside donc maintenant dans leur capacité à justifier cette confiance, et à prouver leur réelle volonté de créer les conditions qui permettront d’obtenir un bon état de conservation de la zone humide du Marais Poitevin.
A défaut, nul doute que de nouveaux contentieux ne manqueraient pas de s’ouvrir.
D’évidence, de simples effets d’annonce ne suffiront pas, et il va falloir passer d’urgence du déclaratif à l’opérationnel.
Trois points méritent dès à présent une attention particulière
1. Le montant et la pérennisation des aides agro-environnementales
Ces dispositifs sont essentiels pour maintenir une activité d’élevage compatible avec la conservation des prairies de haute valeur biologique. C’est sur eux également que repose l’engagement d’une reconquête des milieux dégradés à hauteur de 10 000 hectares.
Les cahiers des charges et les budgets pluriannuels devront donc s’établir en conformité avec ce double objectif.
Les discontinuités inacceptables dont ont souffert jusqu’à présent les différentes générations de mesures agri-environnementales ne devront évidemment plus se répéter.
2. La gestion hydraulique
Les habitats naturels et les espèces de faune et de flore étant très sensibles aux variations des niveaux d’eau, les modalités de la gestion hydraulique doivent en tenir compte.
Les phases préliminaires à la mise en place des SAGE (Schéma de gestion et d’aménagement des eaux) devront se conclure par le choix des scénarios les plus ambitieux, en particulier quant aux aspects qualitatifs, à la gestion des niveaux dans les Marais mouillés et desséchés, des débits des rivières affluentes et des niveaux des nappes aquifères associées.
La limitation des prélèvements sur le bassin versant devra être d’abord le fait de l’adaptation nécessaire des pratiques agricoles, avant d’envisager de coûteuses réserves bâchées.
Une parfaite cohérence entre les objectifs des trois Schémas d’Aménagement (Sèvre-niortaise-Marais poitevin, Vendée et Lay) devra permettre à terme une réunification de ces structures et l’obtention d’un « Bon état » des eaux de leur exutoire : la baie de l’Aiguillon et le Pertuis breton ; résultat nécessaire tant sur le plan environnemental (réserves naturelles) que sur le plan économique (pêche et mytiliculture).
3. L’évaluation environnementale des programmes ou projets de travaux susceptibles d’affecter le site
Celle-ci doit être conforme aux dispositions de la directive concernant la conservation des habitats ainsi que de la faune et de la flore sauvage (directive « Habitats »).
Le cas échéant, il doit être envisagé de redéfinir les projets de manière à éviter des atteintes significatives qui s’opposeraient à l’objectif de conservation porté par la directive.
Cet aspect particulièrement sensible trouvera notamment à s’appliquer dans les projets d’infrastructures.
Les « aménageurs » doivent de ce point de vue procéder à une véritable révolution culturelle.
Par ailleurs, le sort réservé au projet de reconquête du label « Parc Naturel Régional » représentera également un indicateur de choix quant à la volonté de donner au Marais Poitevin les moyens d’un avenir à la hauteur de ses atouts : l’adhésion des collectivités à une charte ambitieuse et exigeante, et la définition d’un territoire cohérent, seront les conditions incontournables de cette labellisation.
Pour l’heure, les conditions dans lesquelles se mettent en œuvre le Plan gouvernemental d’action pour le Marais poitevin n’incitent cependant pas à l’optimisme.
Ainsi, les engagements pris dans ce cadre de réduire la surface agricole irriguée et les volumes prélevés, et de soutenir la diversification des assolements préalablement à la réalisation de réserves de substitution, semblent avoir été oubliés à peine le document signé.
C’est pourquoi, il conviendra d’observer avec la plus grande attention les conditions dans lesquelles s’organisera en 2006 la gestion de la ressource en eau à l’échelle du bassin versant du Marais Poitevin.
Pour qu’une page puisse se tourner, il faut que toutes les questions qui s’y posent aient reçu les réponses qui conviennent… Est-ce le cas aujourd’hui ? Nous ne tarderons pas à le découvrir.