Irrigation et anticipation de la sécheresse : faux-semblants et réalités.
La situation hydrologique du bassin versant du Marais poitevin s’intègre à celle de l’ensemble régional Vendée-Poitou-Charentes. L’état des rivières en cette fin de mois d’avril y est comparable à celui d’une fin juin/début juillet. L’hiver sec n’a pas permis une bonne recharge des nappes phréatiques qui assurent l’essentiel du débit estival de ces cours d’eau. La crise était prévisible, sauf à parier sur un printemps pluvieux qui n’a pas eu lieu.
Siégeant dans les cellules de crise des trois départements concernés, les associations de protection de la nature et de l’environnement membres de la Coordination pour la défense du Marais Poitevin analysent la situation à l’échelle du bassin versant du Marais Poitevin.
Le renouvellement des arrêtés-cadre préfectoraux en prévision de la saison estivale :
• Du coté picto-charentais, l’harmonisation interdépartementale progresse à petits pas. Cette année encore les arrêtés-cadre ont été pris quasiment au même moment (1), pour entrer en application le 4 avril. Ils font référence aux mêmes critères de déclenchement d’alerte sur les bassins communs à deux départements (bassin du Mignon par exemple). Mais, comme l’an dernier, les modalités d’application en cas de restriction partielle restent si différentes qu’en réalité, les irrigants charentais sont peu affectés.
• Du coté vendéen, l’administration a été plus précoce : l’arrêté-cadre a été signé le 28 mars. Cependant il s’applique également au 1 er avril. Cet arrêté a peu évolué sur le fond par rapport à l’an dernier, hormis la gestion de certains des barrages critiques pour l’alimentation en eau potable. Il persiste, contre toute évidence physique, à gérer différemment les eaux dites de surface et celles des nappes phréatiques du sud-Vendée. Les relations directes entre ces nappes et les rivières et marais de bordure ne font pourtant plus aucun doute pour personne.
En conséquence, si les arrêtés tendent à s’harmoniser dans leur forme entre Deux-Sèvres et Vendée, cela ne vaut, pour ce dernier département, que pour les eaux superficielles (2). Or l’essentiel des prélèvements agricoles se fait dans les nappes.
Au final, on constate encore bien des écarts de traitement de l’irrigation agricole lorsque l’on franchit les frontières départementales qui fragmentent le territoire du bassin versant du Marais.
Les décisions préfectorales à ce jour :
Face à la gravité de la situation, tous les préfets ont anticipé sur leurs propres arrêtés-cadre :
Dans les Deux-Sèvres, l’ensemble des prélèvements est interdit de 9h à 18h dès le 18 avril . La Charente-Maritime a suivi à partir du 20 avril , tout en se distinguant par des horaires différents : de 10h à 19h (!) . A partir du 25 avril , l’interdiction horaire des Deux-Sèvres se double d’une réduction des volumes hebdomadaires (les « quotas ») de 50% (3) afin de consolider la protection de la ressource en eau. Au même moment, u ne interdiction totale des prélèvements est décrétée sur le bassin du Mignon et de la Courance en Deux-Sèvres. La Charente-Maritime applique cette interdiction totale de prélèvement sur le Mignon le 23 avril . Le 1 er mai , les Deux-Sèvres élargissent l’interdiction sur l’amont du bassin de la Sèvre Niortaise .
De son côté, la Vendée attendra le 29 avril pour prendre une mesure de restriction horaire, tous les jours de 8h à 20h (4) … mais pas pour les prélèvements dans les nappes du sud-Vendée qui alimentent le Marais poitevin. L’interdiction, dans ce cas, ne porte que sur le week-end, du samedi 8h au lundi 8h. Les restrictions volumétriques ne sont pas à l’ordre du jour.
Réactions :
Les associations de protection de la nature et de l’environnement
• requièrent au plus vite une harmonisation ‘par le haut’ des règles de gestion de la ressource en eau par grand bassin versant, et qui tienne compte de leurs propositions élaborées et argumentées depuis plusieurs années : ajustement des autorisations de volumes prélevables à ce que peut fournir le milieu , relèvement des seuils de coupure à un niveau réellement protecteur des rivières et des zones humides .
• jugent les réductions horaires à elles seules peu efficaces et inéquitables : les irrigants les mieux équipés (les plus aisés…) ont de quoi prélever en une nuit ce que d’autres pompent en 24h ! C’est pourquoi les associations de protection de la nature et de l’environnement revendiquent le renforcement de ces mesures par un encadrement renforcé des volumes consommés .
• relèvent que les prélèvements directs dans le marais persistent encore, aux dépens, donc, de la zone humide partagée entre ‘marais mouillés’ que l’on a rendu incapables d’assurer leur fonction de réserve d’eau estivale et ‘marais desséchés’ malades de la céréaliculture intensive et du drainage.
• demandent l’application immédiate des dispositions du SAGE « Sèvre niortaise et Marais Poitevin », notamment (disposition 5B) le respect de niveaux critiques dans le Marais en dessous desquels, tout prélèvement doit avoir été interrompu hors alimentation en eau potable, abreuvement des animaux et nécessité de sécurité.
(1) Le 1er avril en Deux-Sèvres.
(2) Sauf pour le bassin de la Sèvre Nantaise.
(3) Les limitations sur les secteurs de la Sèvre Nantaise et du bocage sont renforcées par une interdiction du week-end.
(4) La Sèvre Nantaise fait toujours exception.