Gestion de l’eau : le poids des irrigants
Le 19 juin, la préfecture des Deux Sèvres appelle l’ensemble des citoyens à économiser leur consommation en eau. L’état de la ressource en eau, la situation météorologique et ses prévisions, sont telles que l’on ne peut que se féliciter d’un tel appel à la responsabilité et à la vigilance.
Chacun sait, qu’en fait, c’est l’irrigation agricole qui est responsable de l’essentiel des prélèvements dans les nappes phréatiques et les rivières. Ainsi la préfecture a eu la sagesse dès le 2 juin de prendre un arrêté se superposant aux récurrentes consignes de restrictions en réglementant les conditions de l’irrigation de jour. L’administration demandait de ne pas arroser entre 10h et 19h. Face à la véhémence des revendications de la profession, dont nos représentants ont pu être témoins en « comité sécheresse », l’arrêté a été allégé le 16 juin en multipliant les possibilités de dérogation.
Une rupture printemps/été trop brutale
Les tenants de l’irrigation intensive bénéficient en outre d’une configuration des textes préfectoraux censés prévenir le risque de « pénurie d’eau » lors du passage du printemps à l’été, qui peut conduire à un résultat inverse de celui qui est affiché.
En effet, les règles de limitation des prélèvements sont fondées sur des valeurs de débit des cours d’eau et de niveau de nappes, différentes au printemps et en été. En l’état actuel des choses, l’entrée en vigueur des critères « été » se traduit par un abaissement significatif de ces seuils, au point de pouvoir entraîner la levée, du jour au lendemain, d’une mesure de restriction. C’est ce qui passé cette année, à la date du 15 juin, et c’est ce qui explique que d’une journée à l’autre, en plein épisode de sécheresse mais en toute légalité, certains irrigants ont pu se remettre à arroser ! C’est le cas sur la Sèvre et la Boutonne.
Les revendications des représentants de la profession agricole irrigante se plaignant d’être traités comme le sont dorénavant les citoyens ‘ordinaires’ relève donc d’un cynisme certain.
Les leçons à tirer
Comme cet hiver, avec les difficultés de remplissage souvent partiel des retenues de substitution, la nature nous offre cette année l’occasion de tirer des leçons immédiates :
la transition printemps /été organisée par les arrêtés préfectoraux doit être plus progressive ;
l’écart des « seuils » de déclenchement des alertes doit être réduit. Les seuils d’été sont à réviser/relever.
Ce sont là des conditions nécessaires pour que l’administration soit en capacité de prendre et faire appliquer les bonnes mesures avant que les rivières et les sources ne s’assèchent.
Démocratie et projet de territoire
Ce même constat est répété quasiment tous les ans, avec parfois une acuité plus sévère comme cette année, or la connaissance accumulée est suffisante pour décider. Il ne suffit plus que de le vouloir, ce qui impliquerait de ‘remettre à plat’ le modèle agricole industriel dominant. C’est bien l’objet d’un vrai projet de territoire, travaillé démocratiquement avec l’ensemble des parties prenantes, qui débouche sur un accord sur le partage de la ressource collective, entre eau potable, eau pour les milieux naturels et besoins agricoles et industriels.
Les associations de protection de la nature et de l’environnement resteront dans une attitude constructive dans ce débat, mais ne céderont pas face à un lobby agricole, celui des irrigants, loin de représenter l’ensemble des agriculteurs.
Contact : François-Marie Pellerin.
Retrouvez également le communiqué de presse de NE17 sur le site : http://www.nature-environnement17.org/communique-de-presse-crise-secheresse-la-situation-saggrave/