Créé en 1979, le Parc Naturel Régional du Marais poitevin (PNR) n’a cessé de vivre des crises d’une grande gravité. Le bilan de l’évolution du marais dressé par photos satellite pour la période 1973-90 prouve l’échec de cet organisme.
Les 65 000 hectares de prairies naturelles humides ont fondu comme neige au soleil ; en 1990, il n’en restait plus que 25 000 hectares, d’ailleurs en voie d’assèchement. Depuis 1990, le rythme des destructions s’est accéléré, et l’on draine aujourd’hui encore du marais, avec le concours plus ou moins occulte de fonds publics.
En 1991, en pleine polémique liée au projet de tracé autoroutier dans la « Venise Verte », Brice Lalonde, alors Ministre de l’Environnement, avait annoncé la suspension du label PNR.
A la suite de ce coup de semonce, les Conseils régionaux et généraux concernés ont tenté de redorer le blason de ce Parc, en se lançant dans la rédaction d’une nouvelle charte.
Les associations d’environnement ayant été délibérément écartées de la concertation autour de ce texte, elles n’ont pu que constater et dénoncer in fine le piètre résultat des marchandages auxquels se sont livrés les élus : le « consensus » annoncé ne s’est pas fait sur un projet volontariste de rupture avec les politiques destructrices, et rien ne garantissait l’essentiel, ni même la prise en compte du territoire dans sa globalité.
Faute de légitimité, de capacité d’initiative et d’autorité suffisante, ce PNR semblait condamner à ne rester qu’un syndicat mixte parmi bien d’autres, sans espace d’action ni compétence propre dans les domaines cruciaux, comme la gestion de l’eau.
De nombreuses actions et déclarations d’élus locaux ont prouvé leur peu d’engagement en faveur du PNR, pourtant la seule structure de coopération ayant vocation à développer ses compétences sur la totalité de ce territoire, écartelé entre deux régions et trois départements.
La plupart d’entre eux ont préféré favoriser une multitude d’autres structures de coopération (districts, communautés de communes, syndicats mixtes et bientôt syndicats de pays) bénéficiant des crédits de l’État, des régions et des départements, tout en poursuivant des objectifs doublant ou même contredisant ceux du PNR (développement touristique de masse, aménagements hydroagricoles, projets d’infrastructures lourdes…).
Une telle machinerie colle merveilleusement au paysage politico-administratif local et procure aux élus de grandes facilités de travail, sans les contraintes supplémentaires que suppose le label PNR.
Concernant l’eau, l’un des éléments essentiels du débat, il faut encore compter avec l’existence de dizaine d’associations syndicales de propriétaires n’envisageant évidemment aucune remise en cause de leurs prérogatives et pratiques antérieures. Le PNR a donc toujours été exclu de la gestion hydraulique, et quand les facteurs politiques locaux pèsent plus sur les décisions que les critères hydrologiques, l’application même de la loi sur l’eau est compromise.
Le jugement sévère des associations de protection de la nature et de l’environnement a été entièrement corroboré par les experts du Conseil National de Protection de la Nature et par la Fédération des Parcs Naturels de France.
Ces deux organismes ont rendu un avis négatif sur le projet et la charte a de suite été remisée aux oubliettes par les présidents des Conseils régionaux. Ceux-ci ont en effet jugé inutile de soumettre officiellement au ministre de l’Environnement un texte qui ne pouvait qu’être désavoué.
Par un simple effet du calendrier administratif, le Parc Naturel Régional du Marais poitevin cessera donc d’exister le 31 décembre 1996. Ce sera une première, bien peu glorieuse, à l’approche du 30e anniversaire du décret instituant les PNR (1er mars 1967) : le Marais poitevin est le premier à perdre ce label convoité.
La publication en 1994 du rapport d’évaluation des politiques publiques sur les zones humides avait mis en évidence le peu d’efficacité de l’outil PNR dans la protection et la valorisation des zones humides. Il est certain qu’un PNR, obligatoirement géré sous la forme d’un syndicat mixte, est trop fortement soumis aux pouvoirs politiques locaux, naturellement sensibles aux arguments de groupes de pression plus soucieux d’intérêts particuliers que de l’intérêt général.
Le cas du Marais poitevin illustre dramatiquement cette réalité.
Il est toutefois positif de noter l’infléchissement de la réflexion en cours dans les instances nationales et européennes : celle-ci semble désormais porter moins sur la nature des structures de gestion à mettre en place que sur un statut véritable à reconnaître aux zones humides, comme cela est déjà le cas pour les zones de montagne.
Cette évolution intervient malgré tout bien tardivement. Pour produire les effets escomptés, nul doute qu’une volonté sans faille devra s’exprimer, et qu’à ce jour, elle n’est guère concrétisée.