Constat
En Poitou-Charentes on est passé de 7 600 hectares irrigués en 1970 à 156 000 en 1995, soit une multiplication par 20 des surfaces et donc des prélèvements.
Source : Recensement général agricole 1988 ; Agreste – Ministère de l’Agriculture, août 1996 : 156 000 ha ont été irrigués au moins une fois par an en 1995.
Cette évolution est encore plus sensible en Charente-Maritime qui, en 1995, totalise 63 700 ha de cultures irriguées (25 fois plus qu’en 1970).
Les prélèvements, de 2 500 à 3 000 m3 par hectare, se concentrent sur une période critique, de mai à août, et dépassent largement ce que le milieu peut fournir sans être altéré. Ainsi, depuis quelques années on assiste à la mise à sec de 400 à 500 km de rivières en Charente-Maritime et autant en Deux-Sèvres.
Compte tenu du rapport de force, les préfets sont plus soucieux de gérer l’ordre public pendant la campagne d’irrigation que d’assurer, dans le cadre de la loi sur l’eau, la préservation des milieux naturels. En effet, que pèsent les représentants de la protection de la nature et des consommateurs face aux irriguants dont certains n’hésitent pas à manier chantage et menaces ?
Les prélèvements d’eau douce se font principalement au profit de cultures industrielles et tout particulièrement du maïs.
Ce type de culture :
- exige un apport important d’azote et de phosphore,
- fait un usage intensif de désherbants et de pesticides,
- laisse le sol nu une partie de l’année ce qui favorise le ruissellement et augmente les risques d’inondation et de pollution de l’eau.
Le consommateur paie de plus en plus cher pour une eau potable qui se fait rare et dont la qualité ne cesse de se détériorer au point qu’il faut, ici ou là, lui substituer de l’eau en bouteille ou construire de coûteuses unités de dénitrification.
Le consommateur assiste impuissant au gaspillage et à la pollution :
- aucune mesure prise pour inciter à l’économie,
- recours à des techniques peu performantes basées sur l’aspersion,
- irrigation avec une eau d’excellente qualité, provenant de nappes profondes, alors que dans le même temps on traite à grands frais les eaux de surface pour les rendre potables,
- plus grave encore on constate la contamination de ces nappes profondes, véritables ressources fossiles, par des forages imprudents, souvent établis en toute illégalité, qui les mettent en communication avec la surface,
- la forte teneur en éléments fertilisants des eaux de surface rend problématique leur stockage dans des retenues en raison du risque d’eutrophisation,
- enfin les teneurs élevées en résidus d’atrazine et métaux lourds compromettent à terme les activités conchylicoles dans le bassin de Marennes-Oléron et dans la baie de l’Aiguillon.
Un canon à eau consomme en une heure autant d’eau qu’un ménage en un an et pendant la campagne d’irrigation l’équivalent d’une ville de 4 500 habitants.
On nous demandera cependant de faire des économies en renonçant à arroser notre jardin. Cette situation est d’autant plus détestable que c’est encore le consommateur ordinaire qui apporte, avec les industriels, l’essentiel du financement des Agences de l’Eau. Cet argent est utilisé à accroître la ressource, à protéger les milieux, à traiter les pollutions.
Calcul : consommation canon arroseur = 80 m3/h pendant 20 h/j pendant 120 j.
Consommation d’une ville : 40 m3/personne/an.
L’agriculture, qui consomme de mai à septembre 80% des ressources en eau du bassin Adour-Garonne, ne contribue que pour 1% à son financement (redevances).
Ainsi, loin de se voir appliquer le principe du pollueur payeur, l’irriguant bénéficie d’un régime spécial. Il ne verse à l’Agence de l’Eau que 1 à 6 centimes par m3 d’eau consommé et profite de tarifs préférentiels pour l’électricité.
Sources : La politique de l’eau pour l’an 2000, p. 55, Comité de bassin Adour-Garonne – 1990 : 1% pour l’agriculture, 64% pour les collectivités, 35% pour les industriels. Prix de 1 à 6 centimes calculé d’après les revues Adour-Garonne et Loire-Bretagne.
L’argument de l’importance économique de l’irrigation pour justifier la situation actuelle n’est pas recevable.
En effet plus des 2/3 des 156 000 ha irrigués produisent du maïs grain dont le prix est artificiellement maintenu très au-dessus du cours mondial à grand renfort d’aides publiques. Cette aide aux grandes cultures, les plus polluantes, les plus agressives pour l’environnement, favorise l’agrandissement des exploitations et crée des inégalités qui menacent la solidarité du monde rural. 20% des agriculteurs empochent 80% de l’aide publique à l’agriculture. En 1995, 4 470 producteurs français disposant de plus de 200 hectares ont reçu chacun 725 000 F de primes.
Dossier élaboré par Poitou-Charentes-Nature, 19 juin 1997. Tél. 05 49 88 99 23.