La « consultation – concertation » ouverte par les autorités sur le dossier du projet autoroutier A831 (Fontenay-le-Comte/Rochefort) s’est terminée par une réunion bilan (20 octobre 1997), animée par Messieurs les préfets de la Charente-Maritime et de la Vendée. Il en ressort, sans surprise, une majorité d’avis favorables. On doit cependant noter que des voix discordantes se sont exprimées, certains élus ayant émis soit de sérieuses réserves, soit une franche opposition.
Pour leur part, les associations d’environnement ont particulièrement dénoncé la parodie de débat public à laquelle on les a conviées, le choix, déjà ancien, d’une solution autoroutière ayant été fait sans aucune concertation. Au nom de cet arbitraire, relevant du « tout autoroute« , les avis divergents sont écartés et considérés comme hors sujet. Les propositions de solutions alternatives sont caricaturées et rejetées en fonction des « normes autoroutières » !
Il ne peut enfin échapper à l’observateur attentif qu’une confusion a été entretenue entre les deux notions de concertation et de consultation. Le document de référence fait en effet alternativement et indifféremment référence à ces deux termes :
- « Dossier de concertation » (page-titre et documents d’accompagnement) ;
- « Consultation… » (p. 12).
Il ne s’agit pas là d’une simple querelle sémantique, car les deux mots distinguent des phases spécifiques de la procédure recommandée.
Sous le titre « Objet de la consultation » (p. 12), on nous dit que ce dossier « a pour objectif de présenter les différentes familles de tracé envisageables et leurs principes d’échanges sous forme de fuseaux d’environ 1000 mètres de largeur et de fournir des éléments de comparaison afin de permettre aux élus, aux responsables économiques, aux associations et aux administrations concernées, de donner un avis éclairé sur le choix d’un de ces fuseaux« .
C’est aller bien vite en besogne, et nous sommes fondés à considérer que cette « consultation » n’a pas été précédée par une « concertation » conforme aux dispositions de la circulaire Equipement n° 92-71 du 15/12/1992 (circulaire Bianco).
Ce texte cadre les différentes phases du débat public, en préparation de l’enquête publique.
Nous citons
- « Une première phase de débat sur les grandes fonctions de l’infrastructure envisagée doit être organisée dès la conception du projet et en tous cas en amont des études de tracé.Cette phase permettra aux élus, aux forces sociales, économiques, associatives, à chaque citoyen de s’informer et de débattre des enjeux économiques, sociaux, environnementaux du projet. Elle doit préciser les interrogations et les divergences.«
- « A l’issue de cette phase, c’est au Gouvernement qu’il revient d’arrêter les grandes orientations qui seront formalisées dans un cahier des charges rendu public.«
- « C’est à partir de ce cahier des charges que les études de tracé seront engagées. »
Assurément, le dossier qui a été diffusé ne relève pas d’une véritable opération de concertation, et n’a pas été construit dans le respect de ces règles de travail. La solution est ici toute empaquetée : une autoroute, dont les fuseaux sont déjà tracés par le Centre d’études techniques de l’Equipement ; sans qu’un cahier des charges n’ait été élaboré ; sans qu’aucune autre solution n’ait pu faire l’objet d’un bilan comparatif honnête ; alors même que ce projet n’est pas inscrit au Schéma directeur routier national.
Nous considérons donc comme totalement insatisfaisant le simulacre de « concertation / consultation » engagé par les autorités ; se référant à la circulaire Bianco citée ci-dessus, notre Coordination estime que le dossier a été totalement biaisé et que l’on ne peut accepter d’entrer dans le mode de raisonnement qu’il impose de fait.
Notre association a depuis longtemps opéré le constat de difficultés qui appellent une réponse, notamment les problèmes persistants de la RN137 et de la traversée de Marans, avec un trafic routier démesuré, et un flot ininterrompu de poids lourds pratiquant l’international.
Pour autant, nous considérons comme inadmissibles :
- La multiplication des projets de voirie dans l’axe N-S par le Marais Poitevin : les départements de la Vendée et de Charente-Maritime se préparent à aménager conjointement une liaison en partie nouvelle par le pont du Brault ;
- La perspective d’atteintes non compensables à l’encontre de deux zones humides importantes (Marais Poitevin, Marais de Rochefort) ;
Il apparaît nettement que le projet de l’A831, mal étudié, cumule les inconvénients sans apporter de réponse satisfaisante à des enjeux importants.
Pour notre part, nous insisterons surtout sur la situation de la RN137 et sur le cas de la ville de Marans, que le projet entend améliorer. Les projections chiffrées, le précédent de l’A10 montrent pourtant que ce ne sera pas le cas, et que le trafic sur le RN137 restera la source de nuisances insupportables qu’il est aujourd’hui.
La Coordination pour la défense du Marais poitevin estime cependant possible la réalisation d’une voie de desserte dans l’axe N-S, et une seule, qui devrait donc répondre au mieux aux différents besoins exprimés tout en épargnant au maximum les contraintes environnementales liées aux zones humides ; dans cet esprit, des priorités d’aménagement pourraient ainsi s’envisager à partir de la D938 ter, en assurant rapidement le contournement de Marans.
Nous demandons à nouveau que cette proposition soit mise à l’étude, et non pas écartée sous l’argument fallacieux de son impossibilité technique (puisqu’il ne s’agit pas d’une liaison à caractéristiques autoroutières).
Par ailleurs, nous ne pouvons croire que le projet de l’A831 puisse connaître une réalisation facile et rapide, compte tenu d’une part du niveau très élevé des contraintes environnementales et autres auquel le dossier fait d’ailleurs explicitement référence ; d’autre part, le programme autoroutier français est actuellement sur la sellette, et ses besoins énormes de financement, conjugués à une rentabilité peu assurée, favorisent sa remise en cause. L’échéancier présenté à l’appui du dossier apparaît tout à fait irréaliste.
En conclusion, nous demandons une reprise de ce dossier en conformité avec la réglementation, de sorte que puisse s’engager un réel débat sur les problèmes à résoudre, au lieu de cette consultation biaisée sur un projet dont les préalables ont été insuffisamment réfléchis et débattus.
(octobre 1997)