La Cour de Luxembourg condamne la France pour manquement à ses obligations de protection
Par un arrêt rendu le 25 novembre 1999, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a condamné la France pour manquement à ses obligations de protection du Marais poitevin.
La Cour avait été saisie en avril 1998 par la Commission Européenne, à la suite d’une plainte déposée en 1989 par la Coordination pour la défense du Marais poitevin.
Les obligations en cause sont celles qui découlent de la directive 79/409/CEE (directive « Oiseaux »), notamment en son article 4. Celui-ci impose le classement en zone de protection spéciale (ZPS) des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces d’oiseaux menacées et migratrices. Il oblige également à prendre les mesures permettant d’éviter la détérioration des habitats de ces espèces.
Au regard de ces dispositions, trois griefs étaient soumis à l’appréciation de la Cour
- L’insuffisance des zones classées en ZPS par rapport aux milieux reconnus comme présentant un intérêt ornithologique indéniable
- L’insuffisance du régime de protection des ZPS déclarées
- La détérioration des habitats, dans l’ensemble du Marais poitevin.
Les autorités françaises, ouvrant la voie à la condamnation, ont implicitement reconnu à l’audience l’écart considérable entre la superficie classée et la superficie totale reconnue comme d’intérêt ornithologique, ainsi que la tendance lourde à la détérioration marquée des milieux.
S’agissant du régime de protection applicable au Marais, les outils réglementaires ou contractuels mis en avant par les autorités françaises (Loi sur l’eau, *opérations locales agri-environnementales) ont été jugés insuffisants, car ne garantissant pas une protection effective des milieux.
L’assèchement des milieux de grand intérêt ornithologique, les mises en culture, ont été retenus comme autant d’exemples de la détérioration du Marais Poitevin dans son ensemble.
Et maintenant ?
Avec cet arrêt définitif, qui vient conforter les positions constantes de la Coordination pour la défense du Marais poitevin, c’est bien la question des dispositifs de protection restant à définir pour le marais qui se trouve posée.
La décision de la Cour de Justice vient donc à point nommé rappeler que les déclarations d’intention ne suffisent pas, et que c’est aux seuls effets d’une politique que l’on juge de sa pertinence.
Il y a moins d’un an, l’inspecteur général Gilbert Simon, dans un rapport de propositions bien accueilli,appelait à « des efforts considérables dans les domaines de l’agriculture et de la gestion de l’eau ».
Ces efforts restent à concrétiser. Selon l’INRA, plus de 50% des surfaces en herbe bénéficiant des opérations locales agro-environnementales du Marais poitevin connaissent un risque démontré d’évolution vers l’intensification. Les opérations locales vont disparaître et céder la place aux contrats territoriaux d’exploitation. Or, force est de constater que l’administration de l’agriculture persiste à refuser le relèvement préconisé et attendu (de l’ordre de + 1 000 F/ha/an par rapport à la situation actuelle) des aides à l’élevage extensif pour la conservation des prairies naturelles.
Un avenir très défavorable reste donc à craindre dans ces milieux pour lesquels des objectifs de conservation et de protection ont toujours été réaffirmés… sans que les moyens de les atteindre n’aient jamais été réellement dégagés.
Faudra-t-il redoubler la condamnation prononcée par la Cour, et en arriver aux amendes et astreintes journalières, pour que les choses avancent ?
Pour sortir de la spirale destructrice dans laquelle se perd le Marais poitevin, il est urgent de donner un vrai contenu aux décisions de principe qui jusqu’ici n’ont rien changé dans la réalité.
Cela passera nécessairement par la mise en œuvre de mesures combinant des incitations économiques suffisantes et durables, et des actes réglementaires de protection.