Le Marais Poitevin, un espace en crise |
En mai 1995, la Commission européenne a adopté une communication au Conseil et au Parlement, portant sur l'utilisation rationnelle et la protection des zones humides.
La Commission rappelle que "les zones humides font partie du paysage naturel, remplissent des fonctions particulières, soutiennent certaines activités humaines et représentent un patrimoine culturel et naturel [...]. La plupart d'entre elles ont déjà disparu et [...] celles qui restent se dégradent et se détruisent".
Pourtant, la tenue en 1972 de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement marqua une prise de conscience importante de la nécessité de protéger le milieu naturel. Depuis cette date, la Communauté européenne a adopté de nombreuses dispositions législatives et financières en faveur de la sauvegarde du milieu naturel, tandis que les ONG ont dénoncé "le saccage général et l'exploitation irrationnelle des zones humides".
Le rythme des destructions est si rapide que la Commission considère que l'Europe détient peut-être le record mondial en la matière. "Des mesures immédiates doivent être prises pour sauvegarder les zones humides restantes, éléments à part entière d'un réseau écologique unique qui assure différentes fonctions pour la société et pour la faune et pour la flore sauvages".
La Commission constate que "la conservation des zones humides n'est pas une préoccupation politique majeure, alors que des pressions intenses s'exercent en faveur d'une croissance économique classique. La destruction et la dégradation des marécages entraînent des coûts à long terme indésirables et imprévus qui sont souvent supportés par l'Etat, tandis que la transformation des sites concernés peut procurer un bénéfice immédiat à certains organismes ou individus".
La Commission appelle les Etats membres a améliorer leurs instruments de protection juridique en s'appuyant sur la désignation des sites en *Z.P.S. et en leur appliquant des plans de gestion appropriés.
Le perfectionnement des instruments économiques est également une préoccupation majeure. La Commission dénonce ainsi la sous-tarification de l'eau comme susceptible d'entraîner une surconsommation considérable : "Combinée avec le financement massif de programmes d'irrigation par les Fonds structurels, elle peut concourrir à la disparition ou à la destruction de certaines zones humides. Le prix de l'eau doit être adapté de manière à rendre compte du coût réel de cette ressource, y compris les frais de dépollution".
La Commission dresse en conclusion les objectifs de la politique commune des zones humides :
Arrêt de la dégradation : objectif zéro perte nette.
Utilisation rationnelle : exploitation respectant l'environnement, sans solliciter leurs ressources au-delà de la capacité de régénération qu'elles possèdent naturellement, ou, exceptionnellement, de par l'intervention de l'homme.
Amélioration et restauration : "il s'agit non seulement de satisfaire les impératifs liés aux objectifs précités mais aussi de bonifier les zones humides existantes et de reconstituer les anciennes autant que faire se peut".
Coopération et action internationale en faveur de l'utilisation rationnelle et de la conservation des zones humides à l'échelle planétaire.
Les initiatives de la Commission en faveur des zones humides européennes ont bien sûr suscité la réaction des organismes gestionnaires co-responsables de la situation désastreuse à laquelle il s'agit aujourd'hui de répondre.
En février 1996, une réunion organisée par le député européen Dominique Souchet a été l'occasion, pour les représentants des *associations syndicales de marais, de se constituer en groupe de pression.
La création de l'"Union européenne des associations pour la lutte contre les inondations et la gestion des niveaux d'eau dans les zones humides (1)" a été formalisée en mai 1996 à Saint-Omer (Pas-de-Calais).
Dans une déclaration publiée à cette occasion, ces "gestionnaires" de zones humides nient la destruction réelle et à grande échelle des marais; ils appellent au contraire "à développer ce qui existe et ce qui a été accompli".
Dans les mêmes milieux de divers pays européns, des voix s'élèvent qui vont jusqu'à remettre en cause la notion de "zone humide", telle qu'elle découle de la Convention de Ramsar.
Il s'agit d'un mouvement visant à contrer les quelques avancées qui se dessinent en faveur de la prise en compte des zones humides, pour au contraire continuer à favoriser leur destruction au profit d'une agriculture intensive incapable d'intégrer les préoccupations d'environnement. Les défenseurs des zones humides doivent le savoir et s'organiser eux-mêmes pour éviter tout nouveau recul.
A la suite de l'adoption de la communication de la Commission Européenne sur l'utilisation rationnelle et la conservation des zones humides, le Parlement Européen s'est à son tour penché sur les problèmes que pose la gestion de ces régions.
Trois députés européens : Dominique Souchet, maire de Luçon (Vendée - FR), Edouard des Places (FR) et Angela Kokkola (GR) ont été chargés de rédiger un rapport sur la communication de la Commission. La Direction générale des études du Parlement a également chargé un bureau d'études de travailler à partir de l'exemple du Marais Poitevin (retenu comme zone test à l'échelon européen) pour élaborer des propositions quant à une politique européenne des zones humides (2).
Début décembre 1996, le député Dominique Souchet, parlant au nom de la Commission de la Pêche au Parlement Européen, a présenté en session plénière le point de vue suivant :
" L'avenir des zones humides est lié
à
la présence de l'homme qui les a façonnées. S'il
n'y
a plus d'hommes pour les faire vivre, les entretenir, y gérer
l'eau,
il n'y aura plus de zones humides en Europe d'ici une
génération.
D'où la nécessité et l'urgence de définir,
pour ces zones aisément identifiables, chevauchant souvent les
frontières
administratives, un régime spécifique du même type
que celui qui a réussi à enrayer l'exode rural dans les
zones
de montagne.
Il faut donc concevoir un régime et un
instrument
financier particulier qui permettent le maintien d'activités
rentables
malgré les surcoûts liés aux contraintes propres
à
ces milieux écologiquement sensibles et fragiles.
(...)
Mais notre commission a particulièrement
insisté
sur la nécessité d'associer, préalablement
à
la définition d'instruments de gestion et de conservation des
zones
humides, les gestionnaires du terrain eux-mêmes : syndicats et
associations
de marais, pêcheurs, pisciculteurs, conchyliculteurs,
agriculteurs,
propriétaires, chasseurs et autres utilisateurs des zones
humides.
Le comité de liaison des gestionnaires
européens
des zones humides qui vient de se constituer sera un interlocuteur
particulièrement compétent, dont la consultation
apparaîtra
vite indispensable, comme le recommande, à l'unanimité,
notre
commission".
Plus qu'une déclaration de politique
générale
en faveur de la protection des zones humides, ce point de vue
retranscrit
sans ambiguité les positions constantes du lobby
constitué
par les opposants à toute réelle avancée
environnementale
dans la gestion des zones humides ; les divers groupements dont D.
Souchet
demande qu'on les associe prélablement à la
définition
de nouveaux instruments de gestion et de conservation sont
précisément
ceux qui se sont constitués en véritable front du refus
face
à la mise en oeuvre de la directive européenne NATURA
2000.
Malgré un habillage non dénué
d'habileté,
la contradiction est fragrante, puisque le Parlement Européen,
dans
une résolution en date du 12/12/1996 sur
l'utilisation
rationnelle et la conservation des zones humides, insiste sur la mise
en
oeuvre du programme NATURA 2000 comme outil de protection
préventive
des zones humides !
1. En anglais : "Union of european flood control and water level management associations".
2. Une publication est
intervenue
à la suite de ce travail :
Vers une politique européenne en faveur des
zones humides.
Etude pilote : conservation et utilisation
rationnelle
du Marais Poitevin en France.
Parlement Européen, Direction
générale
des études, série Agriculture, Forêts et
Développement
rural (réf. AGRI-103-FR), 175 p + annexes + addendum, novembre
1998.
N.B. Les deux parlementaires français D. Souchet et E. des Places ont tous deux été élus sur la liste des ultra-libéraux Jimmy Goldsmith et Philippe de Villiers. Ils appartiennent au groupe Europe des Nations au Parlement Européen (mandature 1994-99).
tél. +33 (0)2 51 52 96 26 -
fax : +33 (0)2 51 56 84 03
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