Le Marais Poitevin, un espace en crise

Le plan d'action gouvernemental pour le Marais Poitevin - 1996


1. Une annonce forte...

Le 17 juin 1996, Madame Corinne Lepage, ministre de l'Environnement, organisait à Paris une table ronde sur l'avenir du Marais Poitevin.
 

La Coordination pour la Défense du Marais Poitevin a été invitée à participer à cette réunion, dont l'ordre du jour portait sur "les actions à mettre en oeuvre dans le cadre du Plan d'action gouvernemental pour les Zones Humides, pour assurer la sauvegarde du patrimoine naturel exceptionnel du Marais Poitevin".

Madame Lepage a souligné les insuffisances et les faiblesses du projet de refondation du Parc Naturel Régional face aux enjeux de protection et de reconquête de la zone humide.

Elle a aussi rappelé l'importance nationale et internationale du site ainsi que l'absolue nécessité de considérer celui-ci en tant qu'entité cohérente, de Niort à la Baie de l'Aiguillon.

Madame Lepage a enfin signifié sa volonté prioritaire de faire du Marais Poitevin la zone test nº 1 pour la mise en oeuvre du Plan d'action pour les Zones Humides.

En termes de contenu, cela suppose, comme il a été spécifié :

la mise en cohérence des politiques publiques.

le renforcement de la politique de l'eau.

la révision de l'ensemble du système des primes à la production agricole.

des engagements forts contractualisés avec les collectivités locales.

l'élaboration rapide des instruments juridiques propres à assurer l'avenir de la zone.

Un certain nombre de mesures réglementaires de protection ont été annoncées, mais une attention particulière devra être portée à la gestion de la délicate période transitoire qui s'ouvre entre l'annonce des décisions et leur traduction dans la réalité.

Il appartient aux responsables politiques locaux de relayer et de développer ces nouvelles orientations. Les financements qu'ils dégageront en faveur des *mesures agri-environnementales seront un premier élément d'appréciation de leur engagement.

En d'autres termes, c'est aux élus de faire leurs preuves avant d'envisager l'obtention d'un label de type nouveau (*Grand Site).

La "porte de sortie par le haut" qu'attendaient les élus pour en finir avec la situation ingérable née de l'agonie interminable du Parc Naturel Régional leur est donc offerte au plus haut niveau.

Mais cette porte s'avère tout de même bien étroite : dans le domaine essentiel de la gestion de l'eau, nous ne pouvons que condamner la coupable obstination du ministre, admettant contre toute évidence le découpage de la zone et de son *bassin versant en trois *schémas d'aménagement et de gestion des eaux.

Au-delà des engagements de principe, il n'apparaît pas vraiment que Madame Lepage dispose ou se soit donné les moyens de sa politique. Les associations de protection de la nature et de l'environnement, ainsi que la Coordination pour la Défense du Marais Poitevin resteront particulièrement vigilantes sur la mise en oeuvre et le suivi des belles intentions aujourd'hui affichées.

Une demande forte et insistante de présence de l'Etat a été largement exprimée par la majorité des participants de cette table ronde. L'Etat doit désormais tenir avec fermeté son rôle de garant de la préservation de cette zone au patrimoine exceptionnel et irremplaçable.

Les principales mesures annoncées  
mesures de soutien à l'élevage extensif et à la prairie permanente (100 MF sur 5 ans à contractualiser entre l'Etat et les collectivités territoriales).

création de la réserve naturelle de la Baie de l'Aiguillon en Vendée (2 100 hectares).

(décision concrétisée par la publication du décret nº 96-613 du 9 juillet 1996, paru au J.O. du 10 juillet. Le préfet de son côté a désigné l'O.N.C. (Office National de la Chasse) comme organisme gestionnaire.
 

mise à l'étude de projets de réserves naturelles sur la partie charentaise de la Baie de l'Aiguillon et sur la lagune de la Belle-Henriette (Vendée).

mise à l'étude de l'extension du *site classé de la Venise Verte.

notification de nouvelles *zones de protection spéciale.

(17 juin 1996)

2. ... pour une suite assez peu convaincante

La Coordination pour la défense du Marais Poitevin a participé à la réunion de suivi organisée le 10 décembre 1996 à Paris par Mme Lepage, ministre de l'Environnement. A cette occasion, de nouvelles annonces sont venues préciser les contours du plan d'action pour la sauvegarde du Marais Poitevin, dont le principe avait été arrêté en juin.
 

Des intentions très "protectrices" ont à nouveau été exprimées par Mme Lepage, intentions sur lesquelles a semblé pouvoir se former un large consensus. De fait, la disparition, désormais consommée, du Parc Naturel Régional ouvre une situation nouvelle et impose une reprise d'initiatives concertées entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Le plan d'action doit faire l'objet d'une convention associant l'Etat et les collectivités territoriales. Le texte de cette convention, qui reste à signer, n'a pas été communiqué.

Quant aux actions, si l'on peut noter une liste assez fournie d'annonces, accompagnées d'engagements financiers sans précédents, il n'en reste pas moins qu'un grand sentiment de flou se dégage de l'ensemble :

Le label "Grand Site Naturel" octroyé à une partie des marais mouillés et inventé pour la circonstance a certes belle allure. Il ne s'appuie pourtant sur aucune catégorie juridique précise susceptible de répondre aux véritables enjeux environnementaux du Marais Poitevin.

France Nature Environnement (Fédération nationale des associations de protection de la nature) a d'ailleurs immédiatement souhaité dans un communiqué le retrait de ce label "sans fondement juridique et qui ajoute la confusion pour le public". F.N.E. estime que "la panoplie d'outils de protection et de labels est suffisante si elle est utilisée avec efficacité".

Le *syndicat mixte de l'ex-Parc Naturel Régional sera le premier bénéficiaire de cette nouvelle labellisation, encore moins contraignante que la précédente. En s'appuyant sur cette appellation purement décorative mais sans contenu réel de protection, ce syndicat mixte au bien faible bilan se prépare à redémarrer sur un territoire fortement restreint, et sur la base de son projet de charte pourtant censuré par le *Conseil National de Protection de la Nature en mars 199  !

Enfin, aucune avancée n'a été enregistrée sur des points qui avaient pourtant été jugés essentiels en juin dernier :

La remise en cause des primes à la production agricole favorisant la mise en culture et l'irrigation n'est pas à l'ordre du jour.

Il n'apparaît pas de volonté de réformer la fiscalité foncière, qui désavantage les prairies du Marais par rapport aux terres de culture.

On ne voit pointer à l'horizon ni les moyens d'une gestion de l'eau enfin différente, ni la réduction des cultures irriguées (aujourd'hui premières responsables de l'assèchement généralisé du Marais).

En fin de compte, ne reste guère à engranger pour l'instant que l'augmentation des financements destinés aux *opérations agri-environnementales (soutien à l'élévage et à la prairie naturelle).

Mais de telles opérations ne peuvent influencer qu'à la marge l'évolution du Marais Poitevin, tant le contexte global reste défavorable.

Les conditions dans lesquelles s'organisera la future saison d'irrigation, et les mesures d'encadrement que les préfets auront le courage ou non de prendre, seront la prochaine étape décisive. En fonction de ce qui se mettra en place, on saura concrètement si les autorités responsables ont décidé ou non de donner un avenir au Marais Poitevin.

Dans l'immédiat, pour ce qui est de la volonté politique d'avancer sur le dossier Marais Poitevin, on doit noter le coup d'arrêt donné à l'extension de la réserve naturelle de la Baie de l'Aiguillon sur sa partie charentaise, sous la pression directe des élus de ce département, relayés par J-P. Raffarin, président de la région Poitou-Charentes et aussi membre du gouvernement.

La désignation de l'ensemble de la Baie comme *Zone de protection spéciale nécessite pourtant que des mesures précises de protection suivent.

Juriste réputée de l'Environnement, Corinne Lepage ne peut l'ignorer. Hélas, en mettant en avant un label inexistant, en gelant la mise en oeuvre d'engagements européens, ce ministre semble décidément avoir perdu toute référence au droit !

(14 décembre 1996)



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